Thursday, August 15, 2019

Alain Supiot — Homo Juridicus

Alain Supiot — Homo juridicus. Essai sur la fonction anthropologique du droit, Paris, Seuil, 2005

Je cite https://www.uliege.be/cms/c_10803822/fr/alain-supiot :

"Son ouvrage le plus abouti en la matière (Homo juridicus. Essai sur la fonction anthropologique du droit, Paris, Seuil, 2005)  s’inscrit dans le sillage de Pierre Legendre et tente de redonner ses lettres de noblesse à l’expression « dogmatique juridique ».  Campant fermement sur une conception jusnaturaliste, Alain Supiot insiste sur la dimension instituante du droit, porteur de sens  et seul capable, dans la pensée occidentale, de lier les dimensions biologique et symbolique constitutives de l’être humain. Le droit ne peut dès lors être réduit aux lois de la biologie ou de l’économie. Raison ou Référence transcendante, qui surplombe les sociétés humaines, le droit synthétise les croyances et valeurs qui structurent ces dernières et sans lesquelles elles seraient vouées à l’anomie, voire à l’anarchie. Recourant à certains travaux d’anthropologie juridique, Alain Supiot avance l’idée, sujette à débat, selon laquelle « l’aspiration à la Justice […] représente […] une donnée anthropologique fondamentale » (p. 9). Autour de cette question traditionnelle de la nature du droit, Alain Supiot offre ainsi une analyse à la fois stimulante et discutable de questions très actuelles : la mondialisation et l’extension potentiellement infinie de la logique concurrentielle, le déclin de l’Etat et de la loi au profit du marché et du contrat, l’internationalisation des droits de l’homme, les évolutions en matière de filiation.  L’ouvrage témoigne d’une exceptionnelle érudition et d’une capacité peu commune à lier les débats de technique juridique aux enjeux mis en lumière par l’histoire et les sciences sociales."
"Dans Homo juridicus, Alain Supiot abordait déjà la tendance des sociétés occidentales contemporaines à substituer à la raison instituante du Droit la raison calculatrice caractéristique du capitalisme et de la science modernes. Dans ses cours au Collège de France des années 2012-2013 et 2013-2014, il revient sur cette évolution, qui va de pair avec le passage du gouvernement par les lois à la gouvernance par les nombres. Si lois et nombres partagent des traits communs (telles que la dimension générale et impersonnelle), ils se distinguent de beaucoup : alors que les premières témoignent à la fois d’un choix de valeurs et d’une autorité qui pose et assume ces choix – ces deux aspects correspondant assez exactement à la conception qu’Alain Supiot propose du droit dans Homo juridicus –, les seconds sont censés n’être que le reflet prétendument neutre de la réalité (le souci de justice en étant remarquablement absent) et n’appeler que des mécanismes d’ajustement en vue de retrouver l’équilibre général des choses. La faveur dont jouit la gouvernance par les nombres révèlerait « l’utopie d’un monde plat, tout entier régi par les lois du marché » et indexé à la seule utilité. L’émergence de cette gouvernance conduit à un recul des institutions et des cadres juridiques qui favorise le développement de liens d’allégeance, lesquels soumettent les individus à la loi du plus fort et rappellent la relation féodale de vassalité. Loin de se limiter à des considérations abstraites et générales, Alain Supiot prétend repérer des traces nombreuses de cette tendance dans des domaines très concrets parmi lesquels il n’est pas étonnant de retrouver le monde du travail salarié : un phénomène aussi actuel que l’uberisation de l’économie semble faire écho à ces analyses."

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