Wednesday, December 2, 2015

Emmanuel Todd — Après l'empire

Todd, Emmanuel. Après l'empire. Essai sur la décomposition du système américain. Paris: Gallimard, 2002.

Emmanuel Todd is this clever French anthropologist/demographer/historian whose main research interest is the nature and origin of family systems around the world. His expertise on this topic allows him to formulate surprising and insightful interpretations of current events in the political and economic spheres — which he does sporadically, by writing short analytical/polemical pamphlets about stuff like America's problematic engagement with the world, the disfunctional mire of the Euro, the rise of inequality in France and other liberal democracies, and middle-class France's emerging ideology of islamophobia. He is a prominent public intellectual in France, and is usually invited to talk about his ideas on television and radio, despite holding thoughtful and articulate center-left positions which one would expect should be altogether unpalatable to the by and large moronic/hysterical/neoliberal mainstream French media. One reason he is able to have a public voice in the media is that he is very far from a radical leftist and can more or less harmlessly be used as "the voice from the left"; the other is both rhetorical and anthropological: on these "debate talk shows" he has the pleasant but slightly overbearing manner that anybody who is familiar with pugilistic French-style intellectual dinner conversation will instantly recognise, as he holds court, and gently, humorously, earnestly buldozes any inopportune opposition with his abundant good-natured conversational loquaciousness.

In this book his thesis is that America's erratic, blustering foreign policy (in 2002) can be explained by the fact that far from becoming a hegemonic imperial power, America's relative power in the world is receeding dramatically, and that it is engaging in theatrical military posturing (in Afghanistan, in Irak, etc) in order to disguise the fact that it doesn't have the might required to impose it's imperium by force on the whole planet — especially in the context of the ressurgeance of Russia as a major regional military power. Todd points out that the US economy is basically unproductive: it is largely de-industrialized and relies on the toxic alchemy of stock market, debt and imports rather than on the production of real goods... explaining its massive trade defficit and dependency on the rest of the world. So far they have gotten away with it because capital from all over the world pours into the American stock market and government bonds, figuring that this is the "safest" place to put it. But America's position is fragile and it is very dependent on Europe, Japan (and now China...) — partners it doesn't have either the soft or the hard power to constrain. In fact it is treating these essential partners badly — unlike a real perenial empire, like the Roman one, which always tend, after the period of conquest, to treat the conquered rather like normal citizens — extensions of itself. Todd argues that the US in the 90s to another course, on the contary succumbing to exclusionary/racial impulses always latent in Anglo-Saxon culture to some extent. They thus fucked up their chance to be the arbiters of the post-cold war world and, because of laziness, lack of foresight and anthropological tendency to question universalism/egalitarian stance have condemned themselves to a dangerous and unstable role as a quasi-imperial power that does not have the might of it's pretentions in the twenty-first century world...

His argument has similarities to Yanis Varoufakis's idea of America as a "global minotaur" that plays the part of recycler of industrial surplus from all over the world: a universal consumer, or provider of demand in the depressed demand context of the globalized neoliberal world (where the systematically compressed wages tend to be insufficient and cannot insure the necessary consumption of the world industrial output...) But for Varoufakis this was some sort of machiavelical plan hatched in the seventies by the American central bankers to deal with the collapse of the system put in place right after the war (America recycling its surpluses and solidifying its position in the world by massively investing in Germany and Japan... By the early senventies, there are no more American surpluses.). For Todd, more plausibly, it is merely the opportunistic and haphazard contigent reactions of a not very lucid or insightful political class and economic elite.

À travers l'histoire, les formations impériales véritables on toujours présenté deux charactéristiques, liées l'une à l'autre par des rapports fonctionnels:
— l'empire naît de la contrainte militaire, et cette contrainte permet l'extraction d'un tribut qui nourrit le centre;
— le centre finit par traiter les peuples conquis comme des citoyens ordinaires et les citoyens ordinaires comme des peuple conquis. La dynamique du pouvoir mène au développement d'un égalitarisme universaliste, dont l'origine n'est pas la liberté de tous mais l'oppression de tous. Cet universalisme né du despotisme se développe en sentiment de responsabilité vis-à-vis de tous les sujets, dans un espace politique où n'existent plus de différences essentielles entre le peuple conquérant et les peuples conquis.

p.115-116

Le rapport au monde des Ango-Saxons est mouvant. Ils ont dans la tête un frontière anthropologique, qui faut défaut aux peuples universalistes et les rapproche des peuples différentialistes, mais cette frontière peut se déplacer. Dans le sens de l'extension ou du rétrécissement. Il y a nous et les autres, mais parmi les autres certains sont comme nous et d'autres différents. Parmi les différents, certains peuvent être reclassés comme semblables. Parmi les semblables, certains peuvent peuvent être reclassés comme différents. Mais, toujours, il y a une limite séparant l'humain complet de l'autre, "there is some place where you must draw the line". L'espace mental des Anglais peut être réduit au minimum, à eux-même, mais il peut s'étendre à tous les Britanniques, et il est certainement aujourd'hui en course d'extension à l'ensemble des Européens.
L'histoire des États-Unis peut être lue comme un essai sur ce thème d'une fluctuation de la limite, avec un élargissement continu du groupe central de l'indépendance à 1965, suivi d'un rétrécissement tendanciel de 1965 à nos jours.

p.152

(Irish and Italian and Jews and to some extent Asians can be included, but by defining "the unassimilable other" as Hispanics (Mexican/Indian roots) and especially Blacks, drawing the line.)

Le libre échange, on l'a vu, induit à l'échelle planétaire des difficultés de croissance et il est désormais un frein à la prospérité du monde. À court terme, il fait vivre l'Amérique selon un mécanisme franchement baroque : la déficience de la demande qu'il engendre donne aux États-Unis le rôle de "consommateur indispensable", tandis que la montée des inégalités, autre conséquence du système, permet le gonflement des profits qui alimentent ces même États-Unis en argent frais, nécessaire au financement de la consommation.

p.176

La société américaine est en revanche le produit récent d'une expérience coloniale très réussie mais non testés par le temps: elle s'est développée en trois siècles par l'importation sur un sol doté de ressources minérales immenses, très productif sur le plan agricole parce que vierge, d'une population déjà alphabétisée. L'Amérique n'a vraisemblablement pas compsi que sa réussite résulte d'un processus d'exploitation et de dépense sans contrepartie de richesses qu'elle n'avait pas créées.

La bonne compréhension qu'ont les Européens, les Japonais ou n'importe quel d'Eurasie de la nécessité d'un équilibre écologique ou d'un équilibre de la balance commerciale est le produit d'une longue histoire paysanne. Dès le Moyen Âge, Européens, Japonais, Chinois et Indiens, par exemple, ont dû lutter contre l'épuisement des sols, constater dans les faits la rareté des ressources naturelles. Aux États-Unis, une population libéré du passé a découvert une nature en apparence inépuisable. LÉconomie a cessé d'y être la discipline qui étudie l'allocation optimale des ressources rares, pour y devenir la religion d'un dynamisme qui se désintéresse de la notion d'équilibre. Le refus par les États-Unis du protocole de Kyoto, tout comme la doctrine O'Neill sur le caractère bénin du déficit commercial résultent en partie d'une tradition culturelle. L'Amérique s'est toujours développée en épuisant ses sols, en gaspillant son pétrole, en cherchant à l'extérieur les hommes dont elle avait besoin pour travailler.

p.248-249

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